La Table de quartier du Nord de l’Ouest-de-l’Île version 2.0. 

La Table de quartier du Nord de l’Ouest-de-l’Île version 2.0. 

Par Joakim Lemieux, Coalition montréalaise des Tables de quartier.

La vie d’une table de quartier, ce n’est pas un long fleuve tranquille. À l’image du territoire et des personnes qui l’habitent, elle fluctue, elle se transforme. La dynamique entre toutes ses composantes évolue, parfois pour le mieux. D’autres fois… c’est plus compliqué. En 2019, la Table de quartier du Nord de l’Ouest-de-l’Île (TQNOIM) n’arrivait plus à accomplir son mandat correctement et a dû suspendre ses activités. Mais, la communauté n’avait pas dit son dernier mot : en 2022, la voilà qui renaît de ses cendres, plus forte et solidaire que jamais. Entrevue avec Philippe Forté, directeur de la nouvelle TQNOIM.

Immensité géographique et besoins multiples

Le Nord de l’Ouest-de-l’Île, c’est un territoire de 18 km de long qui comprend deux arrondissements (Pierrefonds-Roxboro et Île-Bizard-Sainte-Geneviève) et une ville liée (Dollard-des-Ormeaux). D’un bout à l’autre de ce « quartier » qui n’en est pas un à proprement parler, les réalités peuvent varier grandement.

Bien que parfois invisible ou diffuse sur ce large territoire, la vulnérabilité n’en demeure pas moins importante, témoigne Philippe : « Quand on prend les pourcentages de vulnérabilité par rapport à la population, ça fait des petits pourcentages. Mais quand on les prend en nombre absolu, je peux me comparer à d’autres territoires comme Hochelaga-Maisonneuve ou Verdun. » De plus, la pauvreté – tout comme les services à ces populations – a longtemps été concentrée dans l’est de Pierrefonds, mais elle s’étend de plus en plus.

Repartir sur des bases solides

Philippe était un membre de la Table avant d’en devenir le coordonnateur. il a traversé la tempête qui a mené à sa suspension. Il l’explique par un dysfonctionnement interne. Peu à peu, le milieu s’est démobilisé et la Table, n’étant plus en mesure de remplir son mandat, a perdu son financement dans le cadre de l’Initiative montréalaise de soutien développement social local. « Ça a amené certaines frustrations, » raconte Philippe. « On se demandait : comment ça se fait qu’on n’arrive pas à faire fonctionner cette table-là, alors qu’au sud, on y arrive? Au nord, on a pourtant tout ce qu’il faut, on a des organismes très mobilisés. »

Tout un processus s’est alors mis en place, auquel Centraide, par un financement, et la Table de quartier Sud de l’Ouest-de-l’Île (TQSOI) ont contribué. On a étudié plusieurs scénarios et structures possibles de collaboration avec la TQSOI, car certains enjeux sont partagés par les deux territoires et nécessitent une action concertée.

Une des premières choses que l’on a faites, c’est de revoir les règlements généraux pour s’assurer d’une plus grande transparence. On a également voulu se doter de mécanismes pour s’assurer que les personnes qui sont là comprennent bien la mission et y adhèrent pleinement. Puis, il a fallu se reconnecter avec les membres, avec les gens. Philippe et plusieurs partenaires se sont lancés dans une tournée de tous les joueurs-clés du territoire pour leur faire un était des lieux et pour les questionner sur leurs besoins et leurs souhaits. On a fait bien attention de ne pas nourrir les sentiments négatifs ou les insatisfactions lors de ces rencontres. « On était dans une approche où on laissait le passé derrière nous, et où on regardait en avant, » explique Philippe. Un exercice qui a demandé une bonne dose de doigté et de diplomatie et qui a vraiment permis de repartir sur de meilleures bases.

Le défi de la croissance

Pour Philippe, le message des partenaires à l’issu de ces rencontres était clair : « Les gens voulaient avoir une table d’action. On veut que ça BOUGE. » Il a été bien reçu : la TQNOIM file maintenant à toute vitesse, ce ne sont pas les projets qui manquent! La présence de Philippe à la direction générale a assurément aidé à la reprise rapide de la Table. Il connaissait les gens, l’historique du quartier, ses particularités. L’autre élément essentiel à cette reprise a été fourni par l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro, sous la forme d’un local gratuit. Quand on connaît l’enjeu de l’accès aux locaux pour les organismes communautaires, ce n’est pas anodin du tout.

« Les choses tombent aisément en place, l’énergie est bonne, les gens sont contents de voir la table fonctionner, ils participent et sont satisfaits du travail qu’on fait. On est sur une lancée incroyable! »

Le défi qui attend Philippe est celui d’une organisation qui croît rapidement : de 0 employés en juin dernier, ils sont maintenant 6. Il faut structurer l’équipe, se doter d’outils pour bien intégrer et retenir le personnel… tout est à construire.  La prochaine étape pour la TQNOIM? Celle de la planification stratégique pour les 3 prochaines années! Elle devrait être terminée pour l’hiver 2024.

Comment mobiliser la population d’un grand territoire?

Pour les deux tables de quartier de l’Ouest-de-l’Île, solliciter la participation de l’ensemble de la population à leurs activités est tout un défi. Dans le nord, explique Philippe, il n’y a pas tellement de tradition d’approche citoyenne chez les organismes communautaires. L’aménagement du territoire y est certes pour quelque chose : on est dans une dynamique qui se rapproche davantage de la région que de la ville, on se sent moins interpellé par la vie de quartier. Pour faciliter la mobilisation des résident-es, la TQNOIM a cru nécessaire de redécouper le territoire en 5 plus petits secteurs (3 dans Pierrefonds-Roxboro, 2 dans Dollard-des-Ormeaux). Comment? En étudiant les milieux de vie « naturels », déterminés par la mobilité et les habitudes des gens, les axes et les connexions existantes. Ces nouveaux secteurs, on les appelle les « quartiers identitaires ». On pourra ainsi créer des stratégies de mobilisation pour chacun des secteurs et travailler à y générer un sentiment d’appartenance.