Verdun : les hauts et les bas d’une « planif » de quartier

Verdun : les hauts et les bas d’une « planif » de quartier

Par Joakim Lemieux, Coalition montréalaise des Tables de quartier

Dans la vie d’une table de quartier, la planification stratégique est certainement l’un des moments les plus importants. C’est une période de grande effervescence où l’on rebrasse les cartes pour que jaillissent de nouvelles idées, pour solidifier les liens entre les acteurs du quartier et pour y renforcer le sentiment d’appartenance.  

Mais comment ça se passe, une « planif » de quartier? Comment on fait pour mobiliser toute une communauté? Quoi de mieux pour y répondre que de rencontrer une personne qui a les deux mains dedans. Entrevue avec Sarah Hadjou de la Concertation en développement social de Verdun (CDSV).

Après plus d’un an de travail, la communauté de Verdun est fébrile: elle arrive enfin dans le dernier droit de sa planification stratégique. La démarche a démarré doucement en 2021, ralentie par la pandémie, pour s’accélérer dès l’hiver 2022. Si tout va bien, au printemps prochain, on sera en mesure de présenter le plan de quartier qui guidera les actions en développement social pour les 5 prochaines années. 

La première étape, m’explique Sarah, ça a été de brosser le portrait de la situation dans le quartier. « La question qu’on s’est posé c’est : est-ce que notre compréhension des enjeux est encore à jour? ». La dernière planification avait été réalisée il y a plus de 5 ans. Un quartier, ça peut évoluer rapidement, ses résident∙es aussi. Pour faire émerger les enjeux, des groupes de discussion ont été organisés autour de thèmes tels que la situation des aîné∙es, la santé mentale, l’alimentation, l’environnement, etc. Au total, plus de 200 personnes, réparties quasi également entre représentantes d’organismes et résidentes du quartier, se sont exprimées sur ces sujets. 

Tous ces propos ont ensuite été mis en commun, décortiqués, analysés, pour en arriver à un portrait que l’on a présenté à la population verdunoise à l’automne dernier. Un moment fort de la démarche, selon Sarah : « Beaucoup de Verdunoises et Verdunois ont été surpris, voire choqués par certaines des données que l’on a présentées. » Plusieurs participant∙es à cette rencontre étaient exposé∙es pour la première fois à une réalité plus dure du quartier, celle de la grande précarité de certain∙es de leurs voisin∙es. « Ça a généré des conversations. Les gens ont appris des choses et ça les a incités à revenir aux autres activités de la démarche. » 

Après la présentation des enjeux, il a fallu choisir collectivement ceux à inscrire dans le plan de quartier. L’étape de la priorisation est l’une des plus difficiles, mais ô combien essentielles dans des démarches de ce type. Si deux des priorités choisies par la communauté de Verdun sont en continuité avec le précédent plan (sécurité alimentaire et logement social; certaines choses ne changent pas aussi vite qu’on le souhaiterait…), les deux autres sont des nouveautés.

Les 4 priorités de Verdun pour les 5 prochaines années

Augmenter l’offre en logement social

Développer l’offre alimentaire accessible financièrement à l’ensemble de la population.

Mettre en place les conditions pour que les organismes communautaires puissent assurer pleinement leur mission. 

Développer des espaces pour faciliter la participation citoyenne

Maintenir l’engagement : un défi de taille

Parmi les nouvelles priorités, on souhaite développer des espaces pour la participation citoyenne. Un besoin qui émane directement des citoyen∙nes qui ont participé en grand nombre aux consultations et qui souhaiteraient poursuivre leur engagement. Les démarches de planification sont des périodes clés pour mobiliser la communauté, pour susciter l’engagement de toutes parts, dont celui des résident∙es. La démarche dans Verdun ne fait pas exception : « On est dans une période où l’on peut rêver. Certaines personnes ont découvert la table de quartier grâce à la planif en cours. » 

Or, maintenir cette flamme bien allumée pour toute la durée de la mise en œuvre du plan, c’est une autre paire de manche. Un des grands apprentissages que la CDSV a tiré du bilan de la dernière planification, c’est l’importance de la communication autour de la démarche et du plan. Comment rendre visibles les réalisations qui y sont rattachées? « On a compris qu’il fallait créer une identité visuelle à la démarche (un logo ou des icônes, une charte de couleurs, un vocabulaire, etc.) que les gens pourraient reconnaître facilement sur nos outils, » explique Sarah. C’est ce qu’on a fait cette fois-ci : les membres de la CDSV ont choisi ensemble les couleurs et le style de graphisme qui sont utilisés dans les outils de communication. Ainsi, les projets et initiatives issus de ce plan de quartier seront plus facilement identifiés par la communauté.

Le nécessaire temps long des processus collectifs

Bien que plusieurs soient avides de résultats et souhaiteraient voir tout de suite des projets se déployer sur le terrain, les planifications de quartier exigent qu’on y alloue du temps. Le rythme est lent, dicté à la fois par les aléas du milieu et les défis de la mobilisation et du travail collaboratif. Est-ce une force ou un risque? « Prendre le temps de travailler ensemble, ça nous assure de la pertinence de nos actions, » croit Sarah. « On s’assure de mettre notre énergie à la bonne place, selon les besoins et les priorités choisis par le milieu. » 

Pour qu’un plan de quartier prenne racine et donne des fruits, il doit s’ériger sur un terreau fertile. C’est en mettant le temps nécessaire à la discussion et à la réflexion collective qu’on établit la base des actions pour les 5 prochaines années. S’il existe bien un risque d’essoufflement à faire de longs processus, il y aussi un fort potentiel de créer une synergie – durable et prospère – entre les membres d’une communauté. 


À découvrir : plusieurs Tables de quartier ont développé des outils de communication fort intéressants et dynamiques autour de leur plan de quartier. 

  • Bâtir Centre-Sud, un mini site sur l’actuelle planification stratégique de la table en développement social de la CDC Centre-Sud.
  • Solidarité Mercier-Est et ses 6 priorités bien identifiées par un jeu de couleurs et d’icônes. 
  • Vivre Saint-Michel en santé et ses personnages à la tête verte représentant toute la diversité des résident-es du quartier.