Montréal-Nord et Pointe-aux-Trembles :  partir à l’étranger pour s’inspirer ici

Montréal-Nord et Pointe-aux-Trembles : partir à l’étranger pour s’inspirer ici

Et si on partait à l’étranger pour découvrir différentes pratiques et programmes, échanger sur nos approches, et s’inspirer des différentes manières de faire les choses? C’est l’expérience qu’ont vécu Hoda Essassi et Jonathan Roy, deux directions de Tables de quartier parties en missions exploratoires en France et en Italie, respectivement, au cours desquelles ils ont fait plusieurs visites d’organismes et d’instances pour discuter, réfléchir et être exposés à des approches et projets novateurs.

Au mois de mai 2022, Hoda Essassi, directrice de la Table de quartier de Montréal-Nord (TQMN), partait avec une délégation de Montréal-Nord composée de la mairesse, d’un conseiller municipal, et de représentant·es du Centre de services scolaires de la Pointe-de-l’Île et du YMCA. Le groupe s’est rendu à Évry-Courcouronnes, au sud de Paris en France, pour découvrir ce qui se fait dans cette commune qui ressemble beaucoup à Montréal-Nord en termes de superficie, de population, de problématiques et défis, de réussite éducative, de sécurité urbaine, puis de revitalisation des artères commerciales. Ils et elles ont été à la rencontre d’associations et d’organismes communautaires, ainsi que de représentant·es d’établissements scolaires et d’élu·es, pour faire un échange de connaissances en prévention en santé et en délinquance, et en savoir plus sur l’implantation en France du projet Alternative Suspension porté par le YMCA.

La délégation de Pointe-aux-Trembles
Photo : Jonathan Roy/Métro Média

Jonathan Roy, de son côté, partait avec une délégation de Pointe-aux-Trembles d’une quinzaine de personnes vers Milan, en Italie, et portait le double chapeau de directeur général de la CDC de la Pointe et d’administrateur de la Corporation Mainbourg, une entreprise d’économie sociale propriétaire et gestionnaire d’immeubles à vocation communautaire qui participe au développement socioéconomique et à l’amélioration de la qualité de vie du milieu. Le voyage était axé plus spécifiquement sur des questions liées à l’économie sociale, et la délégation partait en mission pour échanger sur les processus de coconstruction de politiques publiques en lien avec la santé et le bien-être, les partenariats entre les municipalités et les organismes communautaires et d’économie sociale, et les alternatives aux appels d’offres publics traditionnels.

VOIR LES CHOSES AUTREMENT POUR S’EN INSPIRER

Pour Mme Essassi, les ressemblances sociodémographiques entre son arrondissement et la commune d’Évry-Courcouronnes ont été frappantes, malgré la distance géographique. Elle a pu constater que les enjeux et défis majeurs sur lesquels se penchent les associations sur le terrain s’apparentent à ceux ciblés par la TQMN. Mais elle a aussi pu voir le fort potentiel de ces deux lieux, et l’importance et la valorisation de l’action collective aux deux endroits. Lors de ses visites avec différents interlocuteur·trices sur place, elle a ressenti une soif de changement et un souffle nouveau inspirants dans ses échanges.

« C’était impressionnant de voir tous les projets de revitalisation qu’ils veulent mettre en place. Ils ont pu développer une vision commune, chercher les financements nécessaires pour déployer leurs projets. C’était intéressant et impressionnant à voir. Il y a beaucoup de forces vives, beaucoup de dynamisme et un multiculturalisme qui apportent une richesse aux réflexions », remarque-t-elle.

Visite de la nouvelle maison de quartier Gisèle Halimi à Évry-Courcouronnes, une structure municipale qui propose aux résidents plusieurs activités et programmes animés par des  professionnels. 
Photo : Hoda Essassi

Pour M. Roy, son voyage l’a amené à s’interroger sur la posture des Tables de quartier dans leurs échanges avec des partenaires à différents niveaux, une réflexion alimentée par les discussions que sa délégation a pu avoir avec les représentant·es rencontrés sur place. « Ça m’inspirait sur la façon dont on approche les politicien·nes, les bailleurs de fonds. Je pense qu’il y a un état d’esprit qu’on peut changer, dans la façon qu’on présente un projet, dans la posture. », nomme-t-il.

« Le rôle d’une CDC dans un territoire peut être vraiment extraordinaire, mais il va l’être à la hauteur de ce qu’on fait avec. Nous sommes des interlocuteur·trices incontournables, et il faut porter ça en nous. Ce type de voyage m’a motivé pour ça. Ça nous amène à réfléchir à comment on peut aller plus loin que les outils qu’on a », dit-il.

FAIRE RAYONNER NOTRE MODÈLE ICI ET AILLEURS

Pour Mme Essassi, malgré des écarts constatés entre, d’une part, l’approche québécoise, le modèle de Table de quartier et la concertation bottom-up, et d’autre part, l’écosystème français avec son organisation gouvernementale centralisée et ses processus décisionnels top-down, elle a senti un réel intérêt et une grande ouverture envers le modèle des Tables de quartier et les possibilités d’implantation d’un tel modèle en France. Selon elle, la différence importante se trouve dans la place plutôt limitée faite aux associations (ou organismes communautaires) dans les réflexions et les prises de décisions, une réalité qui permet d’avoir un regard positif sur les façons de faire au Québec et l’importance du communautaire dans la société, mais qui rappelle que le travail pour maintenir les acquis ici doit se faire en continu, en poursuivant et en développant notre action. Elle encourage tout le monde à saisir ce type d’opportunité de voyage pour les apprentissages à en tirer, mais aussi pour faire connaître le modèle unique des Tables de quartier qui mérite d’être partagé au-delà des limites de nos réseaux et territoires.

M. Roy abonde en ce sens. « C’est une belle occasion pour nous de présenter ce [que font les Tables de quartier], même aux gens du Québec avec qui on part, et d’envisager différents types de partenariats », juge-t-il. « Avec les différentes personnes rencontrées sur place, il y a certaines portes qui se sont ouvertes sur des intérêts et des projets similaires qui me faisaient penser à ce qui se fait en développement dans l’Est de Montréal, par exemple », ajoute-t-il. Son voyage lui a permis de se mettre en mode réflexion et de voir les possibilités d’aller plus loin dans les ententes partenaires et les représentations, de les concevoir autrement et de reconnaître le pouvoir que les Tables peuvent se donner dans de tels échanges. La question qui plane pour lui est celle de comment faire des liens avec l’expérience au retour, et comment faire retomber cela dans son action. Il mentionne même un intérêt, un rêve pas trop lointain espère-t-il, à organiser ce type de voyage pour l’ensemble des Tables de quartier montréalaises, un voyage exploratoire qui tiendrait compte de la réalité unique des Tables dans les choix d’interlocuteur·trices ciblé·es et des visites organisées.

Les deux missions auront des rencontres post-mortem pour analyser comment l’expérience a été reçue par les parties impliquées, et le groupe de Montréal-Nord recevra à son tour une délégation française dans le quartier en octobre pour poursuivre les échanges. Mais pour Mme Essassi et M. Roy, de prime abord, leur avis sur ce type de voyage est clair et unanime : l’expérience est tout à fait concluante, et ils recommandent à toute Table qui se trouve face à une telle opportunité de la saisir avec enthousiasme.