Yves Bellavance
Coalition montréalaise des Tables de quartier
Il est plutôt décourageant de constater que la campagne électorale, tant du côté des partis que médiatiquement, est très centrée sur les baisses d’impôts et d’autres promesse qui ciblent la classe moyenne. Ah, la « fameuse » classe moyenne! On dirait qu’au Québec, aujourd’hui, gouverner ne consiste qu’à nous considérer comme des contribuables. On découpe le marché des électeurs en tranches. On fait du marketing politique. Mais où est donc la vision collective? La vision inclusive?
Pourtant, la crise sanitaire a mis en évidence les inégalités sociales, puis la crise du logement et la crise inflationniste qui l’accompagne les ont amplifiées. La Ville de Montréal devient de plus en plus inaccessible pour des milliers de ménages qui consacrent une part beaucoup trop grande de leur revenu pour se loger. Il n’en reste plus beaucoup pour se nourrir adéquatement et se transporter, et encore moins pour l’éducation, la santé, la culture et les loisirs.
Or, avez-vous entendu parler de pauvreté durant cette campagne jusqu’à maintenant? Moi non plus. Être provocateur, je dirais que la seule fois que nous entendons un peu parler de pauvreté, c’est lorsqu’il est question de la sécurité urbaine, de violence armée. Parce que là, ça dérange…
Pour nous, il n’y a aucun compromis : chaque personne a le droit à un toit, de manger, de se transporter, de vivre dans un environnement sain (sécuritaire, salubre, sans subir les conséquences des changements climatiques, avec un accès aux services de proximité). C’est de cette vision inclusive dont on aimerait entendre parler. Une vision qui inclut les personnes qui ne paient pas d’impôts parce que leurs revenus ne sont pas assez élevés.
Si nous avons réussi à passer à travers la crise sanitaire de façon solidaire, c’est entre autres parce qu’il existe à Montréal des tables de quartier qui se sont démenées pour rejoindre les populations les plus vulnérables tout en se coordonnant avec le réseau de la santé et la ville. Ces tables, qui ont une connaissance fine du milieu et des enjeux, ne sont pas sorties d’une boîte de Cracker Jack spécialement pour la pandémie. Elles travaillent depuis longtemps avec les organismes communautaires qui sont en première ligne, mais aussi avec les partenaires institutionnels et des citoyen·nes dans un engagement collectif pour améliorer les conditions de vie.
Le forum La communauté au cœur : dialogue autour des initiatives et des pratiques durant la pandémie, qui s’est tenu récemment avec le réseau de la santé de Montréal, les milieux de la recherche, communautaire, philanthropique, et le Programme CoVivre, a bien démontré que l’action de ces réseaux a été cruciale pendant la pandémie et qu’il faut les consolider lors de crise mais aussi en continu, hors crise.
Or, deuxième question ici : avez-vous entendu parler de vision collective, d’engagement citoyen, de pouvoir d’agir des communautés ou de développement des territoires pendant cette élection? Moi non plus. Ici aussi, on découpe par tranches les enjeux sans aucune perspective. Malgré les apprentissages de la pandémie, cette vision collective de la vie en société est totalement absente de la campagne électorale. Honnêtement, en 2022, il est plus que temps de placer le pouvoir d’agir des communautés au cœur des stratégies gouvernementales d’interventions sur les inégalités sociales, de développement des territoires et dans les politiques publiques.
Il faut aller au-delà de l’approche centrée sur « le contribuable ». Il faut donner à tout le monde les conditions nécessaires pour avoir une vie décente. Il faut favoriser la participation des communautés à leur propre développement. Nos demandes d’engagements proposent justement des solutions pour aller en ce sens, vers un projet collectif emballant. On invite les candidats et les candidates à s’engager à adopter des orientations ou des politiques qui auront un impact pour faire de nos quartiers de meilleurs milieux de vie, plus inclusifs, plus solidaires, plus résilients.