Une mobilisation collective pour réinventer l’accès aux soins à Pointe-aux-Trembles

Une mobilisation collective pour réinventer l’accès aux soins à Pointe-aux-Trembles

Par Alexandra Vakaloulis.

À l’été 2024, la fermeture soudaine du Groupe de médecine de famille (GMF) de Pointe-aux-Trembles a bouleversé un équilibre déjà fragile en matière d’accès aux soins de santé dans l’est de Montréal. Cette clinique, en activité depuis plus de trente ans, fermait ses portes en quelques semaines, emportant avec elle le suivi médical de milliers de personnes. Pour la communauté, ce fut un choc. Pour la Corporation de développement communautaire (CDC) de la Pointe, ce fut un appel à l’action.
Cet article a été nourri par un entretien avec Jonathan Roy, directeur général, et Maxime Barrette, agent de développement, de la CDC de la Pointe, qui ont généreusement partagé leur lecture de la situation et les démarches collectives entreprises depuis la fermeture du GMF.

La Polyclinique de Pointe-aux-Trembles (Google Maps) – Est Média Montréal – 10 juillet 2024

De la sidération à la mobilisation, une réponse ancrée dans la communauté
La fermeture de la clinique, provoquée par des enjeux de rentabilité et une pénurie de médecins, a mis en lumière la précarité de l’accès aux soins dans plusieurs quartiers. Certain·es professionnel·les ont été redirigé·es aussi loin qu’Hochelaga, Côte-des-Neiges ou Joliette, sans solution immédiate pour les résident·es de Pointe-aux-Trembles.
Rapidement, la Table de quartier, portée par la CDC de La Pointe, a réuni ses membres et partenaires pour réagir collectivement. Dès l’été 2024, des rencontres ont eu lieu avec l’arrondissement, le CIUSSS, des élu·es et des organismes communautaires. L’objectif était de comprendre les impacts de la fermeture, documenter les besoins du territoire et entamer une réflexion collective sur les modèles de soins alternatifs.

Un comité citoyen pour imaginer une autre façon de prendre soin
De cette mobilisation est né un comité de travail composé de citoyen·nes engagé·es, de personnes issues du milieu de la santé, d’organismes membres de la Table et de représentant·es du CIUSSS. Accompagné par une expertise-conseil en entrepreneuriat collectif en santé, ce comité explore depuis plusieurs mois des modèles de cliniques communautaires implantés ailleurs au Québec. Pour nourrir leur réflexion, les membres du comité ont mis à jour les données sociodémographiques du quartier, cartographié les services existants, visité des cliniques collectives (comme la Coopérative de Solidarité-Santé de Contrecœur) et échangé avec leurs fondateur·rices. Ce travail vise à bâtir un projet enraciné dans les réalités locales, et capable de répondre aux besoins spécifiques de la population, à savoir une espérance de vie plus courte, des problèmes de santé chronique, l’isolement ainsi que le manque de services de proximité.

Comité santé et la CDC de la Pointe: renforcer le réseau de santé local.

Une clinique collective à échelle humaine
Le comité souhaite maintenant déposer les premières ébauches d’un projet de clinique collective complémentaire à l’offre du CLSC. Un projet qui place la prévention au cœur de son approche et qui vise à redonner aux citoyen·nes un rôle actif dans la définition de leurs soins. L’initiative pourrait inclure des services infirmiers, de la santé mentale, du soutien à la parentalité ou encore des activités communautaires favorisant le mieux-être.
Dans ce modèle, la gouvernance serait partagée. Les professionnel·les de la santé y trouveraient un cadre de travail différent, et les membres de la communauté, un sentiment d’appartenance et de stabilité. Plusieurs médecins ont d’ailleurs manifesté un intérêt à pratiquer dans ce type de structure, plus humaine et moins soumise aux logiques de concurrence du secteur privé.

Le rôle structurant de la table de quartier
Ce projet témoigne de la force de mobilisation que représente une table de quartier ancrée dans son milieu. En facilitant le dialogue entre institutions, citoyen·nes et organismes, en mettant en commun des savoirs multiples et en soutenant des processus collectifs, la table de quartier agit comme un moteur de résilience face aux chocs systémiques. Elle permet non seulement de réagir aux urgences, mais aussi de poser les fondations de solutions durables. Alors que d’autres territoires montréalais sont confrontés à des enjeux similaires, l’expérience de Pointe-aux-Trembles illustre le potentiel transformateur du communautaire en santé. Une démonstration claire que la transition vers des soins plus accessibles, humains et adaptés aux réalités locales doit passer par la force du collectif.